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28 juillet 2006

Israel se trompe de guerre

Israël se trompe de guerre 28 juillet 2006 Nouvel Obs

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Plus Israël tuera de civils, plus il produira de réfugiés, plus grande sera la colère du peuple arabe. La riposte actuelle n'est pas une méthode pour conquérir la paix ou la sécurité, estime l'un des signataires israéliens des accords de Genève de 2003 par Menachem Klein

Bien sûr, il y a, en Israël, consensus sur « la guerre au nord », comme c'était le cas en 1982 quand toute la nation soutenait l'occupation israélienne du Liban jusqu'à quarante kilomètres au-delà de ses propres frontières. Mais le terme de « guerre » employé aujourd'hui par les Israéliens est-il approprié ? « Campagne » conviendrait beaucoup mieux. Comme en 1991, le mot « guerre » est invoqué par une société civile victime d'attaques de missiles et de roquettes, et non pas, évidemment, parce que le camp adverse subit de lourdes pertes. Car les projecteurs sont exclusivement braqués sur « nos » propres souffrances et non sur ce que nous faisons subir aux civils du camp ennemi.
« Terrorisme » est l'autre mot-clé de l'affaire. L'attaque du Hezbollah contre la patrouille de l'armée israélienne a été qualifiée d'«attaque terroriste» alors qu'il s'agissait d'une opération classique de guérilla. Des années d'exposition à la terreur ont conduit les Israéliens à utiliser ce mot pour qualifier n'importe quelle attaque à petite échelle dirigée contre eux. Avec sa charge d'émotion, la notion de «terreur» permet en outre à l'establishment de dissimuler un échec militaire et de mobiliser l'opinion publique en vue de soutenir une réaction aussi massive que disproportionnée.
Après plus d'une semaine d'une campagne de bombardements intensifs, les dirigeants israéliens étaient toujours incapables de donner des objectifs politiques clairs et précis à leur opération. Au lieu de quoi ils se sont littéralement déchaînés, allant jusqu'à des déclarations du type : «Nous ramènerons le Liban vingt ans en arrière» et «nous anéantirons le Hezbollah». Ils ont oublié qu'en 1982, Israël n'était parvenu ni à éliminer l'OLP, ni à assassiner Arafat au fond de son bunker. De même, en 1956, en lançant l'opération contre l'Egypte de concert avec la Grande-Bretagne et la France, Israël n'a réussi ni à créer un nouvel ordre au Moyen-Orient, ni à abattre le président Nasser. Aujourd'hui encore, il est important de déchiffrer le discours que le Hezbollah adresse par son attaque surprise. Or Israël n'y a répondu, comme le plus souvent, que par une riposte pleine d'arrogance.
Le cabinet israélien a été motivé par la frustration et la colère des Forces de Défense d'Israël à la suite des attaques de guérilla du Hamas et du Hezbollah qui ont réussi à surprendre l'armée et à lui infliger des pertes sérieuses. Inexpérimentés dans leurs nouveaux postes, Olmert et Peretz ne jouissaient pas de l'aura propre aux combattants et ont craint de perdre le soutien de l'opinion publique. Le message transmis par Israël à travers ses attaques n'est aucunement politique mais tout simplement brutal : «Les blessures reçues nous rendent fous. Pour un mort chez nous, il y en aura dix chez vous.»
Le Hezbollah et le Hamas ont-ils besoin de ce message agressif pour apprendre qu'Israël est une super-puissance régionale ? Non. Leurs stratégies de guérilla et de terreur s'appuient précisément sur le déséquilibre existant entre une armée régulière forte et un adversaire vulnérable ainsi que sur la colère populaire exprimée envers l'agresseur. C'est cette colère qui crée ce que Mao Zedong appelait « la mer où nagent les combattants de la guérilla ». Une réaction disproportionnée ne rétablira pas la force de dissuasion militaire des Israéliens.
Bien qu'Israël vise des civils proches des lieux de combat en Palestine comme au Liban, ses objectifs, dans les deux cas, sont différents. Sur le front palestinien, la règle du jeu est l'unilatéralisme : l'Etat israélien prend seul ses décisions, sans aucune négociation. L'unilatéralisme n'est pas une tactique ni même une stratégie, c'est un état d'esprit qui s'est emparé de la psyché collective des Israéliens. Le combat d'Israël à Gaza vise à préserver le concept d'unilatéralisme dont la victoire électorale du Hamas et ses opérations militaires traduisent l'échec. En évacuant les colonies de Gaza l'été dernier, Sharon ne voulait pas donner l'impression ne serait-ce que d'un semblant de coordination avec les Palestiniens. Mais il est devenu clair au bout d'un an que si le leader israélien a bel et bien réussi à remporter un incroyable succès tactique, il n'en a pas moins été mis en échec au niveau stratégique. En déclarant que l'occupation de Gaza prenait fin avec l'abandon des colonies, Israël espérait pouvoir en faire un précédent pour annexer des zones de la Cisjordanie, alors qu'il isolait la bande de Gaza de cette même Cisjordanie et en assurait la surveillance à partir de l'extérieur. Le succès du Hamas dans l'organisation de l'opération où deux soldats israéliens ont été tués et un troisième fait prisonnier, pose au gouvernement israélien un problème très difficile : il ne peut pas, en effet, promouvoir un geste unilatéral en Cisjordanie alors même que la faillite de cette politique se fait chaque jour plus criante à Gaza.
Il est certain que cet échange de messages et de ripostes ne saurait connaître une fin heureuse. Les lourdes pertes des deux côtés ont déjà écrit avec le sang les nouvelles pages de cette tragédie. Politiquement, Israël est très loin d'une victoire totale dans cette campagne du nord. Israël n'est absolument pas en mesure d'éliminer le Hezbollah. Et plus nombreux seront les civils tués ou transformés en réfugiés par Israël, plus grande sera la colère du peuple arabe. La guerre n'est pas une méthode pour conquérir la paix ou la sécurité.
Quand les combats entre Israël et le Liban s'achèveront et que l'attention se reportera entièrement sur le front palestinien, il sera temps de tirer les leçons de l'échec de l'unilatéralisme. Après l'effondrement du processus de paix graduel sur le modèle des accords intérimaires d'Oslo ; après l'échec, en l'an 2000, des pourparlers touchant au statut final, dans lesquels Israël n'a pas accepté les principes de base proposés par la communauté internationale ; après l'échec actuel de l'approche unilatérale ; après tout cela, un changement de direction s'avère désormais absolument nécessaire. Au lieu d'essayer d'imposer aux Palestiniens une solution israélienne, des pourparlers sur le statut final devraient s'ouvrir dans un cadre bénéficiant à la fois d'une légitimité internationale et d'un réel soutien dans chaque communauté. L'accord de Genève de 2003, les « paramètres » du président Clinton en 2000, la résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations unies en 1967, et la résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies, qui fut acceptée en 1949, offrent précisément un tel cadre.

Ancien conseiller du ministre des Affaires étrangères israélien Shlomo Ben-Ami et du Premier ministre Ehoud Barak, Menachem Klein est professeur de sciences politiques à l'université Bar Ilan. Il a été l'un des artisans et signataires de l'accord de Genève

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