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Liban - Loubnan - Lebanon
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19 août 2006

La pierre pleure de douleur.

Tyr et ses environs étaient hier un immense cimetière. 230 dépouilles enterrées à la hâte pendant les bombardements dans une fosse commune près de la caserne de l’armée à Tyr ou déposées provisoirement à l’hôpital gouvernemental de la ville reposent enfin dans leurs villages. Quarante victimes pour la seule ville de Tyr, tombées au cours du bombardement de l’immeuble de la Défense civile, 31 à Cana, qui n’en finit plus de payer le prix fort de la guerre dans son plus horrible visage. Mais il y a aussi 37 à Srifa, une vingtaine à Marouahine et toutes les autres victimes éparpillées entre Jabal el-Botom, Siddikine, Hanawaï, Mansouri, Aïn Baal et Bazouriyeh.

Témoignage dune femme qui a perdu sa fille.
Une femme ne parvient pas à retenir ses larmes. Sa fille, Zeinab, est parmi les victimes. Elle feuillette avec amour les albums de photos qu’elle a soigneusement triées, caressant le visage tant aimé et désormais figé dans sa mémoire.
« Mon mari est handicapé. Nous avons subi un traitement pendant cinq ans pour avoir notre premier enfant. Ce fut Zeinab. Elle devait avoir aujourd’hui six ans trois mois et sept jours... »
Oum Zeinab, qui a aussi un fils Hassan de quatre ans, raconte les événements de cette terrible nuit.
« Nous habitons dans ce quartier. Mais comme il y avait eu des bombardements proches, nous avions décidé mon mari et moi de nous installer dans le dépôt de nos voisins, qui n’a d’ailleurs pas de porte. Nous étions une quarantaine de personnes à dormir sur place cette nuit-là. À une heure du matin, je n’ai rien entendu, mais j’ai brusquement senti un souffle incroyable et nous nous sommes retrouvés, mon fils Hassan et moi, recouverts de pierres. J’ai commencé à le dégager puis je me suis dégagée moi-même. Je voulais avant tout retrouver ma fille. Il faisait nuit noire. Je tâtonnais dans les pierres autour de moi. Et ma main a touché une autre froide et lisse tendue vers le ciel. J’ai compris que c’était celle de ma fille. Je me suis mise à la caresser pour essayer de la réchauffer Je voulais la rassurer. Je lui ai dit qu’elle ne devait pas avoir peur car elle était désormais entre les mains de Sitt Zeinab. Je voulais la serrer contre moi. Mais j’ai entendu les gémissements de mon mari qui me demandait de l’aider, car il est handicapé. J’ai laissé ma fille et j’ai dégagé mon mari. Je n’ai plus revu Zeinab. Je n’ai plus que ses photos et mon cœur en lambeaux. »
Hassan écoute le récit de sa mère puis se cache les yeux avec les mains. Il ne veut plus parler. Son père essaie vainement de le pousser à répondre aux questions. Hassan s’assied par terre, le dos tourné aux présents. À quatre ans, il a déjà plus souffert que bien des adultes tout au long de leur vie. Soudain, la voix hachée, il raconte comment sa mère a cherché Zeinab. Pendant ce temps, il s’est retrouvé tout seul et l’ayant pris pour mort, les personnes qui secouraient les blessés l’avaient placé avec les cadavres. Dans un état de semi-conscience, Hassan se rend compte qu’un chat s’approche pour lécher ses blessures. Terrifié, il le repousse et c’est ainsi que les secouristes comprennent qu’il est vivant. Il est ensuite transporté à l’hôpital où il reste quatre jours. Aujourd’hui, Hassan n’a plus envie de jouer. « Les Israéliens, dit-il la voix ferme, ont tué ma sœur. Quand je serai grand je veux que sayyed Hassan me donne un fusil et j’irai me battre contre eux. » Sur son fauteuil roulant, le père essuie une larme. « Lorsque ma fille est née après cinq ans de mariage, ce fut un bonheur immense pour moi, dit-il. Elle était ma reine, ma fée. Aujourd’hui, Dieu me l’a reprise. Je ne peux pas me révolter contre sa volonté. Mais si je le pouvais, j’irais me battre sous la bannière du Hezbollah. Ma fille est morte. Mais ma dignité et celle de tout le peuple du Sud est intacte. Grâce à ce parti, nous pouvons garder la tête haute car si nous avons perdu des êtres chers, nous avons gardé notre liberté de pensée et notre fierté. »

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