Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Liban - Loubnan - Lebanon
Liban - Loubnan - Lebanon
Derniers commentaires
Archives
15 août 2006

Aux pièges du non-dit

logo_orientL'éditorial de Issa GORAIEB 

Aux pièges du non-dit

Pour le simple citoyen comme pour les responsables politiques, cela crève désormais les yeux : voici venu le fameux moment de vérité. Il n’en finissait pas d’arriver celui-là, occulté qu’il était depuis des décennies par l’occupation syrienne. Puis par les sournoises et stériles finasseries du forum de dialogue national. Puis encore par le tumulte de la guerre ; par la révolte générale contre la barbarie israélienne ; par la dure bataille diplomatique qui a conduit au vote de vendredi dernier à l’ONU ; et surtout par l’impératif d’unité interne, qui interdisait tout débat national sur le bien-fondé de cette carte blanche dont se prévaut le Hezbollah pour mener, comme il l’entend et quand il l’entend, sa résistance armée à l’ennemi.

Mais y a-t-il seulement place pour la vérité dans cette sanglante, cette dantesque partie de poker menteur dont notre pays a funestement été le théâtre et où il est de règle de dire la chose et son contraire ? Dans le même temps qu’il acceptait la résolution 1701, le gouvernement israélien lançait ainsi une vaste opération terrestre au Liban-Sud, visant à repousser la Résistance islamique au-delà du fleuve Litani et à quadriller le terrain conquis. Cela pourrait prendre des semaines, ont averti les généraux de Tel-Aviv. Et la mauvaise foi aidant, ils pourraient bien tenir parole hélas, malgré l’arrêt des combats programmé pour ce matin. Car si le texte onusien somme le Hezbollah de cesser ses attaques, il se contente d’interdire à Israël toute opération offensive. C’est dire qu’au moindre incident, celui-ci se sentira libre de poursuivre implacablement son entreprise de laminage en invoquant un bien abusif droit de riposte. Ce n’est pas pour rien en effet que l’outil sophistiqué de mort et de destruction dont s’est doté ce champion de l’agression qu’est Israël répond au doux nom d’armée de défense ...

Le Hezbollah, de son côté, a fait sensation en s’associant, bien qu’avec des réserves, à la décision du gouvernement libanais – elle-même assortie de remarques et observations diverses – d’accepter la résolution 1701. Hassan Nasrallah est même apparu samedi à la télévision pour assurer qu’il ne ferait pas obstacle à la politique gouvernementale ; mais il a annoncé en même temps que la guerre était loin d’être finie. Autrement dit – et c’est la raison du report du Conseil des ministres, hier –, le Hezbollah n’est pas prêt à discuter de son désarmement, que demande explicitement pourtant le texte voté à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité. Ce document, fruit d’un compromis franco-américain – lui-même remanié de manière à inclure, dans la mesure du possible, les exigences des parties –, offre bien un tableau de la situation future dans la région frontalière pacifiée. Mais, consensus international oblige, il reste vague sur bien des points relatifs au processus à suivre.

Ce piège du non-dit n’est pas le seul qui guette ce surréaliste gouvernement du Liban, au sein duquel la majorité aura été régulièrement impuissante face à une minorité armée dictant ses options guerrières au pays tout entier. C’est pour préserver sa précaire unité interne en effet que le Liban a demandé – et obtenu – que la 1701 ne relève pas formellement du chapitre VII de la Charte autorisant l’emploi éventuel de la force. Mais cela n’a fait peut-être que replacer le problème dans un contexte plus délicat encore, en responsabilisant davantage que jamais une autorité étatique en proie au double chantage de l’ambiguïté hezbollahie et de la dévastation galopante opérée par Israël. Si bien que le seul (et angoissant) tableau qui s’offre à la vue aujourd’hui est le suivant : un gouvernement qui supplie la Résistance de bien vouloir se dessaisir de son armement comme le commande l’intérêt vital du pays, comme le demande l’écrasante majorité des Libanais, comme l’exige l’univers, Iran et Syrie exceptés ; faute de quoi, le gouvernement éclate ou bien alors se délite ; et même s’il n’éclate pas, parce qu’une fois de plus aura primé la sacro-sainte unité interne, c’est le pays tout entier qui est transformé en ruines fumantes par les bons soins de l’ennemi.

La vérité ? Pour la survie du Liban, pour la foi des Libanais dans leur pays, pour tout le travail de reconstruction des maisons et des infrastructures – mais aussi des esprits – qui nous attend pour les années à venir, il est grand temps que tout un chacun le comprenne : il y a infiniment plus à perdre, dans cette tragique affaire, qu’une belle, une exceptionnelle collection de missiles.

Issa GORAIEB

Publicité
Commentaires
Liban - Loubnan - Lebanon
Publicité
Publicité