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9 août 2006

Mise à mort

Le député arabe israélien Bishara dénonce la "mise à mort" de la société chiite au Liban

LE MONDE | 08.08.06 | 15h01  •  Mis à jour le 08.08.06 | 15h29

HAÏFA ENVOYÉ SPÉCIAL

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Lorsque la sirène qui avertit de l'imminence d'un bombardement retentit dans les rues de Haïfa, Azmi Bishara ne descend pas dans les abris anti-Katioucha. Le chef du parti arabe israélien Balad, membre de la Knesset depuis 1996, ignore même où se trouve le refuge souterrain le plus proche de son vaste appartement, situé en plein coeur de la ville. Bien que les tirs de roquettes aient déjà causé la mort de 13 habitants, Azmi Bishara, fidèle à sa réputation de franc-tireur, reste à l'écart des lieux empreints de l'atmosphère de guerre qui flotte sur le nord d'Israël.

"L'ambiance dans le pays est beaucoup trop "tribale" pour moi, dit-il, installé dans son salon dominant les grues du port de Haïfa. Je ne peux plus aller à la Knesset. Le concours de déclarations chauvinistes et va-t-en-guerre auquel se livrent les députés m'est insupportable. Je refuse également de participer aux débats télévisés car on m'y enferme dans le rôle de l'ennemi de l'intérieur, de la "cinquième colonne". Il n'y a pas moyen de discuter calmement."

En 2001, peu après le retrait de l'armée israélienne du Liban sud, Azmi Bishara avait participé, en Syrie, à un meeting politique sur la même estrade que le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Cette initiative sulfureuse lui avait valu le retrait de son immunité parlementaire et une accusation d'incitation au terrorisme. Blanchi par la Cour suprême au terme d'une procédure houleuse, Bishara le renégat a conservé de cet épisode une aura de patriote arabe ainsi que de solides amitiés au sein de la classe politique libanaise. "Je reçois une trentaine d'appels de Beyrouth tous les jours, dit-il. Au Liban sud, l'armée israélienne se livre à un "socio-cide", c'est-à-dire la mise à mort systématique de la société chiite. Les bombardements ont créé plus de réfugiés que la guerre de 1948 en Palestine. Des villages entiers comme Bint Jbeil ou Ayta-Shaab ont été rayés de la carte. Leurs habitants ne reviendront jamais."

Dans les tribunes qu'il publie dans les grands titres de la presse arabe comme Al-Hayat, le député israélien, docteur en philosophie, laïque et fier de l'être, s'efforce de tordre le cou au malentendu dont le Hezbollah est, selon lui, victime. "Les pays occidentaux s'imaginent que les Arabes soutiennent Nasrallah pour des raisons religieuses, affirme-t-il. Ils font du Parti de Dieu un mouvement fondamentaliste et terroriste, arc-bouté sur une prétendue rivalité entre chiites et sunnites. Or c'est exactement l'inverse : jusqu'à ce qu'il soit forcé de répliquer aux bombardements israéliens, le Hezbollah ne s'était quasiment jamais attaqué à des civils. C'est une formation nationaliste qui, parce qu'elle a réussi à expulser l'armée israélienne de son territoire, a suscité l'admiration des Arabes, principalement sunnites, qui se sentent humiliés par l'Etat juif et abandonnés par leurs dirigeants. Le Hezbollah est un phénomène social profondément enraciné dans la réalité du Liban. Il est diamétralement opposé à un mouvement terroriste élitiste, produit de la globalisation, comme Al-Qaida. Il ne parle pas d'imposer la loi islamique. Durant l'affaire des caricatures du Prophète, ses dirigeants n'ont pas appelé à manifester. Ils estimaient que le raffut qu'elle engendrait était stupide."

"NOUVELLE ICÔNE"

A défaut de siéger à la Knesset, Azmi Bishara observe l'impact de la "résistance" du mouvement chiite sur l'opinion publique palestinienne. En Israël, explique-t-il, les réactions recoupent le vieux clivage pro- et anti-assimilation qui traverse la communauté arabe : "A Nazareth, par exemple, lors des funérailles des victimes des tirs de Katioucha, la foule a entonné des chants hostiles à Israël. Mais à Haïfa, le curé a demandé au ministre du tourisme, Isaac Herzog, de prendre la parole durant la cérémonie", dit-il.

En Cisjordanie, en revanche, Azmi Bishara constate la hausse exponentielle de la popularité d'Hassan Nasrallah. "Les jeunes des territoires sont en feu, dit-il : ils voient comment 15 000 combattants surmotivés arrivent à tenir tête à une armée entière. Nasrallah est leur nouvelle icône."

Comment sortir de cette mauvaise passe ? En tirant les leçons de l'échec du retrait unilatéral de mai 2000, adjure le trublion de la Knesset. "La paix unilatérale est le contraire de la paix", dit-il. Selon lui, si l'ancien premier ministre israélien Ehoud Barak n'avait pas renoncé, en janvier 2000, à signer un accord - quasi-prêt - avec la Syrie de l'ex-président Hafez Al-Assad - "ce que Bill Clinton a lui-même déploré", dit-il - les rues de Haïfa ne seraient pas désertes aujourd'hui.

Benjamin Barthe

Article paru dans l'édition du 09.08.06

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